17 octobre 2009 (Nouvelle Solidarité) –
Plus de 52000 agriculteurs ont choisi le 16 octobre, journée mondiale de l’alimentation, pour mener des opérations escargots dans les grands centres urbains, et une botte de foin fut même allumée sur les Champs-Élysées à Paris. Après l’épandage de millions de litres de lait par des producteurs asphyxiés, c’est tout le monde agricole qui se mobilise pour sa survie. La Bourse de Paris a grimpé de 54% depuis le 9 mars, mais depuis le début de l’année, le revenu paysan a baissé en moyenne de 20%, et si le consommateur a vu les prix des produits alimentaires augmenter de 0,2%, les prix agricoles ont chuté de 15,6% depuis un an. Pendant que Goldman Sachs et J.P Morgan distribuent des bonus « indécents », ceux qui s’endettent pour payer leurs dettes s’exclament : « Au secours, on meurt ! »
Les tracteurs reprennent le chemin des centres villes. Tout un symbole. Combien de citadins boboïsés et leurs enfants playstationisés ont réellement conscience que sur les 1,328 milliard d’agriculteurs de la planète, à peine 28 millions (0,2%) disposent d’un tel engin, tandis que quelques 300 millions font tirer leurs charrues par des animaux et 1 milliard ne laboure qu’à la force des bras ! En vérité, ce sont donc les fermiers les plus productifs de l’humanité qu’on laisse crever chez nous, précisément parce qu’ils veulent produire pour nourrir le monde !
Au moment où l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) souligne que depuis les émeutes de la faim de mars 2008, le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation chronique a augmenté de plus de 90 millions pour atteindre aujourd’hui 1,02 milliard, la survie des agriculteurs se trouve menacée. Si la flambée des prix agricoles a mis la planète en alerte, c’est leur écroulement qui l’affame de façon chronique. « Près des deux tiers des victimes de la faim sont des paysans » [des pays pauvres], rappelle Marc Dufumier, professeur à AgroParisTech.
En 1980, 17% de l’aide publique au développement ciblait l’agriculture. Avec la mondialisation et la « chasse au protectionnisme », ce pourcentage n’est plus que de 3,8 %. Si en août dernier, le G8 élargi d’Aquila a décidé de renforcer la capacité de production agricole des pays en développement, pour créer un semblant de sécurité alimentaire, le G20 de Pittsburgh de septembre a une fois de plus appelé avec enthousiasme à une dérégulation accélérée des échanges mondiaux grâce à la conclusion rapide du cycle de Doha, organisé dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Pourtant, « organisé de façon à tirer les prix vers le bas, ce libre échange nuit au développement économique et social des pays », constate un expert de l’Agence française de développement. Mettre en concurrence des paysans dont la productivité diffère de plus de 1000% est le sport préféré des cartels agro-alimentaires, qui font leur marge avec l’intermédiation et la spéculation.
Sans régulation, pas d’agriculture ! Mais comment réguler l’agriculture si l’on dérégule tout le reste de l’économie et des finances ? Cessons enfin de vouloir « adapter » l’agriculture à la mondialisation. Battons-nous pour recréer un ordre financier et économique mondial qui mette le crédit au service du producteur et du consommateur. Sans cette ambition, on restera sur sa faim.